A presque 37 ans, Florence Mounde Aretouyap, mariée et mère de 02 enfants, avoue avoir la grâce de Dieu dans son
activité commerciale principale depuis maintenant 8 ans. Cette Camerounaise, originaire de NOUN (Ouest du Cameroun) est l’une de ces femmes vaillantes qui n’ont ni peur, ni honte d’exercer un métier pour le moins difficile, très prenant, mais noble : celui de vendeuse de beignet-haricot-bouillie. Florence se définit comme une «mère populaire», qui aime nourrir ses enfants. Et ça, au quartier dit «Ecole de police», à Yaoundé, au Cameroun, ses clients
en sont parfaitement d’accord.Le beignet-haricot-bouillie est une originalité camerounaise née il y a plusieurs décennies et prisée par tous les Camerounais, quels que soient leur âge, leur catégorie sociale, leur religion, leur sexe, etc. Très souvent appelé BHB (entendez : beignetharicot-bouillie), ce plat est facilement accessible. Un beignet coûte généralement 10 FCFA, une cuillère de haricot (prêt à la consommation) coûte 25 FCFA et le bol de bouillie, quant à lui, s’obtient à partir de 25 FCFA. Ainsi, avec une pièce de 100 FCFA, la composition est toute simple : beignet de 40 FCFA, haricot de 30 FCFA et bouillie de 30 FCFA ; cette composition est connue en milieu
jeune comme le «40-30-30». Tout un menu. Apporter ce plaisir gastronomique aux Camerounais est le traintrain quotidien de Florence, et elle en est particulièrement fière : «J’ai commencé étant très jeune. Il fallait épauler mon mari dans la gestion de notre maison. Et depuis, j’y ai pris goût, c’est mon métier», nous dit-elle. Pour le démontrer, Florence nous déroule son emploi de temps : «Je vends les beignets de lundi à vendredi. Les deux autres jours, c’est pour mon repos, profiter de mon mari et de mes enfants. Je me lève chaque jour à 5H, je fais ma prière et ma méditation personnelle. A 6H, je place la marmite de haricot au feu, je la laisse sous le contrôle de ma fille aînée et je cours au marché. A mon retour, je prépare mes enfants pour l’école, puis j’assaisonne le haricot. Ensuite, je fais la cuisine pour mes enfants et mon mari. A 13H, je pétri les pâtes de beignets (maïs et banane). A 14H, je fais monter la marchandise, avec les plats et le four traditionnel. Entre 18 et 19H, je remballe mes effets et je rentre à la maison. Je veille à ce que les devoirs de mes enfants soient faits et que tout le monde mange à la maison. Enfin, je fais ma prière et je dors.» Voilà un réglage précis qui dure depuis 8 bonnes années. Au début de cette activité, son mari nous avoue qu’il était sceptique et jaloux à l’idée de voir sa femme être abordée surtout par les hommes. Mais la confiance et la raison ont pris le pas sur les sentiments négatifs et «aujourd’hui, dit-il, son activité nous aide tous». Ses jours les plus rentables sont : lundi, mercredi, jeudi et vendredi. A ce titre, elle peut engranger entre 12 000 et 17 000 FCFA de bénéfice par jour. Tandis que le mardi, ses bénéfices n’atteignent pas souvent 7 000 FCFA. Florence place une partie de cet argent dans les tontines, afin de faire des économies pour mieux résoudre les difficultés de sa petite famille. Elle nous assure aussi qu’avec son époux, la question des finances est très ouverte : «Je sais combien il gagne comme salaire par mois, et je lui déclare aussi toutes mes dépenses et recettes. Ce mode de vie nous permet de mieux planifier nos dépenses et de mieux investir.» En outre, ses clients sont assez variés : «Il y a des hommes en tenu hauts gradés, comme homme de rangs, des politiciens, des hommes en veste et même des femmes qui s’arrêtent chez moi tout le temps pour manger un plat de beignet-haricot, sans pression. Et chacun a sa manière de consommer : certains aiment les beignets et la bouillie, d’autres les beignets et le haricot, d’autres encore allient généralement les 3 pour ne rater aucune saveur», nous dit-elle tout en souriant. Il faut l’avouer, ce plat n’a pas son précédent parmi les menus populaires au Cameroun. On se souvient que lors du comice agro-pastoral d’EBOLOWA (Sud du Cameroun), le chef de l’Etat camerounais avait cédé à la tentation, en ne loupant pas l’occasion de déguster quelques beignets comme ceux de Florence, devant les caméras et sous le regard très émerveillé des populations. Selon quelques clients rencontrés chez Florence, lors de notre entretien, l’ingrédient royal du BHB, c’est «sa majesté le piment». Donc, à ne pas oublier, si vous faites un tour au Cameroun et que l’envie de découvrir ce plat vous prend. A la question de savoir si elle acceptera qu’un de ses enfants
suive ses pas, Florence nous répond avec beaucoup de sagesse : «J’encourage d’abord mes enfants à s’appliquer à l’école, afin d’avoir un meilleur métier. Mais si Dieu conduisait l’un d’entre eux sur mes pas, alors je lui apprendrais à faire ce métier en gardant sa dignité et son honnêteté.»
Alain NJIGNET
