Pouvez-vous vous présentez et décrire pour nos lecteurs
votre parcours professionnel ?
Je m’appelle Kabasinga Florentine, j’ai 42 ans, mariée et
mère de 3 enfants. J’ai fait mes études, Licence et Master en
Lettres et Sciences Humaines. Mon premier travail a été Office
manager dans un projet de partenariat entre l’Université
nationale du Rwanda et l’USAID (Agence des Etats-Unis pour le
Développement International), un projet américain. Ensuite, j’ai
choisi d’être indépendante, pour ne pas avoir de problème au
travail, étant donné que c’est la période dans laquelle j’ai fait
mes enfants. Donc, je gérais un restaurant où je cuisinais moimême,
c’était une façon de continuer à gagner ma vie, sans pour
autant avoir des complications quelconque auprès des chefs.
Ce n’est pas ce que je voulais garder comme métier et c’est
donc pour ça que j’ai commencé à travailler à l’ambassade
de Belgique à Kigali ; travail que je fais jusqu’à nos jour, en
appuyant la section politique.
En tant que femme, quelles actions menez-vous en faveur
de l’entrepreneuriat féminin en Afrique?
Je suis contente de répondre à ce genre de questions, car je
viens d’un pays où les femmes pourraient être aujourd’hui, une
figure d’inspiration pour le monde entier. Sous l’angle où la
femme rwandaise a compris qu’elle peut compléter l’homme,
et être son égal, plutôt que de dépendre de lui, comme ça
l’était dans le temps. Quant à ce qui me concerne en tant que
femme rwandaise, je fais des rencontres avec d’autres femmes
dans le cadre de mon travail au sein de ma cellule, où je fais
partie de la Commission de discipline. On débat sur comment
les accompagner les encourager, les soutenir dans la création
d’entreprises, même les plus petites. Pour celles qui n’ont pas
fait d’études, il faut apprendre à devenir son propre patron.
Comme ce n’est pas par magie que les femmes arrivent à être
patron d’elles-mêmes, alors on leur donne des conseils. Aussi
pour celles qui viennent nous voir, que ce soit pour une aide
ou un conseil, on les oriente vers les institutions qui facilitent et
garantissent l’accès au financement. Il existe déjà beaucoup de
ces institutions dans mon pays.
D’ordre général, je refuse tous les stéréotypes qui définissent
faussement la femme. La femme qui était incompétente, faible,
dépendante du mari, a viré aujourd’hui vers la femme présidente
de la République, ministre, parlementaire, professeur, etc. Elle
est devenue l’égale de l’homme et pourquoi pas supérieure
d’ailleurs, il y a beaucoup de cas comme ça d’ailleurs. Je
n’encouragerais pas évidemment que ce soit une sorte de
vengeance, mais de complémentarité.
Quels sont, pour vous, les ingrédients pour faire de toute
femme, une femme leader ?
Pour moi, le premier ingrédient, est l’entente dans le ménage,
pour commencer. La femme doit avoir la joie de vivre, il faut être
soi-même, naturelle, car on convainc plus facilement quand on
est naturelle plutôt que lorsqu’on cherche à être qui l’on n’est
pas. La simplicité et l’humilité rendent la femme plus confiante
et plus accessible.
Pour être leader, la femme doit chasser l’idée de chercher,
forcement et férocement à ressembler, à un PDG d’une
multinationale.
Pour être leader, il faut tout simplement avoir une vision, des
objectifs personnels à atteindre, une inspiration et une bonne
organisation. Ensuite, il faut avoir des valeurs éducationnelles.
Sans éducation, qu’elle soit culturelle ou intellectuelles, on
n’arrive à rien.
Il faut avoir le courage, ne pas craindre l’échec avant de
s’engager dans un projet. Et éventuellement la joie de vivre,
dont j’ai parlé au début, aidera à voir l’échec comme un
tremplin pour la prochaine réussite.
A quels blocages avez-vous été confronté, lors de votre
ascension professionnelle ?
J’ai eu la chance d’évoluer professionnellement, dans une
ère où le Rwanda avait des autorités qui encourageaient et
favorisaient l’ascension de la femme dans tous les domaines,
que ce soit social, économique ou politique. Comme autorité,
je cite le président de la République Paul KAGAME, qui est,
sans publicité aucune, l’idole des femmes rwandaises. Et en
plus de cet atout, j’ai un caractère fort, je ne suis pas de nature
à me laisser faire, et cela m’a beaucoup aidée à parer certains
bommes qui, parfois, ont voulu me faire de l’ombre. Il faut
que les hommes arrêtent de se prendre pour plus experts ou
autres. Les femmes sont capables de faire avancer le monde
au même titre que les hommes.
Quel regard portez-vous sur le développement de
l’entrepreneuriat féminin, comme contribution à
l’économie de nos pays ?
La femme est perfectionniste, très portée dans l’industrie
de la mode, de la décoration, de l’architecture, etc. Elle fait
des enfants et devient pédiatre pour les soigner. Elle est chef
d’entreprise et mène des actions, elle fait tout et sait tout. Il
faut que les hommes lui fassent confiance, car la femme sera,
dans quelques années, le monument de l’économie mondiale.
Dans mon pays, le Rwanda, en particulier, la femme est déjà
au centre de l’économie et de la politique, Au Parlement, elle
est majoritaire, sans oublier les institutions où elle est à la
tête, comme notre ministre des Affaires étrangères, la chef
du cabinet du président de la République, etc. Les femmes
importantes ne manquent pas partout en Afrique, et elles
sont des figures du pouvoir de la femme africaine.
L’un des freins majeurs à l’entrepreneuriat féminin est la difficulté
à concilier vie privée et vie professionnelle. Etes-vous de cet avis ?
Oui, je suis de cet avis malheureusement. Les femmes restent malgré
leur émancipation, le moteur de leur ménage, surtout la femme
africaine qui reste cette femme qui aime cuisiner, organiser sa maison
et s’occuper de l’éducation des enfants. Ensuite, elle retourne à son
cabinet pour arranger, contrôler le bureau, gérer le personnel. C’est
aussi ça le pouvoir de la femme : être attendue dans tous les milieux.
Voila donc, il faut trouver un bon équilibre entre les deux vies, privée
et professionnelle, et ça aussi, ça dépend de chaque femme, de son
milieu professionnel, mais aussi de son bagage social.
Les femmes ont beaucoup plus de difficultés à trouver des
financements. A quoi cela est-il dû d’après vous ?
A mon avis, cela est dû au manque de confiance, aux préjugés portés
depuis toujours à la femme, le fait qu’elle ne soit pas capable, et dont
les compétences se limitent à faire le ménage, la cuisine. C’est une
vieille mentalité qui n’a plus sa place dans nos sociétés actuelles.
Votre conseil à l’endroit des femmes entrepreneurs ?
Une phrase simple : Persévérer, lutter, se former en permanence pour
rester compétitive et gagner la confiance. Aussi j’aime bien la phrase
d’un chanteur qui dit : «Ce que femme veut, Dieu le veut» (Rires).
Emma Mag
