Je suis Marie, j’ai 30 ans. J’ai toujours pensé que j’étais quelqu’un
de fort, en tout cas, c’est ainsi que mes proches me décrivaient,
ils voyaient en moi quelqu’un de fort… C’est vrai qu’il m’en a fallu
de la force, mais ça c’était après…
Voici mon histoire.
J’ai fait la rencontre de Jean-Jacques, cinq ans plus tôt. D’abord amis,
au fur et à mesure que le temps passait, nous avions réalisé, au-delà
de l’amitié, qu’autre chose pouvait se construire. Au début surpris,
notre entourage a fini par s’aligner, tant notre amour était évident.
Nous étions un couple mixte et j’ai pu découvrir que nos parents sont
ethnocentristes.
Jean-Jacques était mon opposé, loin d’avoir ma situation sociale,
financière et académique. C’était quelqu’un de très calme, à la limite
introverti. J’en étais folle, je nous trouvais complémentaire. Moi,
jeune cadre dynamique, je n’avais cure de ce que les bien-pensants
pouvaient penser de mon couple. Je n’avais d’yeux que pour lui. Il
était bel homme, l’allure assurée, la tchatche maîtrisée.
La première année était magnifique. Il avait toujours le mot pour me
faire sourire et, malgré la grisaille, il savait me faire remonter la pente.
Tous les débuts sont, semble-t-il, idylliques, le nôtre était merveilleux.
Si seulement j’avais vu venir…
Le temps a passé, moi de nature exubérante, mais en tout en réserve,
je n’ai pas réalisé quand cela me pendait au nez que mon cercle
d’amis, à la base très restreint, commençait à se réduire comme peau
de chagrin. Je n’en ai pas pris conscience à temps, que mes rares amis
me quittaient, car ils voyaient ce que je me refusais de voir. Je les
pensais opposés à mon idylle et eux n’en pouvaient plus des disputes.
Dans le mouvement, le masque commençait à tomber. Pour lui, j’étais
toujours fautive en face des autres. Si j’étais en conflit avec quelqu’un,
il n’hésitait pas à me prendre en grippe devant cette personne ; j’étais
coupable, même quand tout m’innocentait. Je n’avais jamais droit à
des compliments (rires) : les autres femmes étaient belles et pas moi.
J’avais tellement besoin de son approbation ou de sa reconnaissance
que j’en faisais toujours plus ou trop, mais ce n’était jamais assez.
Arriva le jour où il a eu une relation avec une amie que j’avais prise
sous ma tutelle : c’est lui qui était en faute et c’est moi qui étais
indigne et dégoûtante jusqu’au jour où elle s’en est prise à lui. Moi
qui étais sale et «chiffonnière», j’étais remontée en estime à forte
dose de manipulations sans jamais verser dans la reconnaissance
envers ma personne. C’est à ce moment que j’ai commencé à faire de
la spasmophilie ou crise de d’angoisse. Je me souviens qu’un jour, en
pleine détresse respiratoire, au lieu de me calmer, il m’a lancée que
je devais arrêter de me faire remarquer. Malgré les insultes et autres,
je suis restée : je pensais le changer, c’est moi qu’il a changée ! Moi
qui d’ordinaire étais du genre à marcher droit, je me suis retrouvée
à emprunter les chemins interdits. Les humiliations se sont alors
accumulées et quand m’humilier ne suffisait plus, il a commencé
à me frapper. Évidemment, c’était toujours de ma faute, comment
pouvait-il en être autrement ? Un jour, il m’a dit que si ce n’était pas
lui, personne ne voudrait de moi, et que de toute façon, il m’avait
garée. A force de persuasion, j’ai dû renoncer à une grossesse : il
promettait de m’épouser. A cette époque, je m’étais déjà rendu
compte que cette relation m’était hautement toxique, mais je n’avais
ni le courage, ni la force de partir. Partir pour recommencer à zéro ?
Partir et ne pas être sûre de trouver mieux ?
Alors que j’essayais de trouver la force de la quitter, je réalise que je
suis enceinte. Je ne sais plus comment, mais un jour, j’ai trouvé le
courage de partir. Sûrement la naissance de ma fille : je me suis dit, si
ce n’est pour moi, je le devais à elle.
Se retrouver totalement bafouée et se demander comment s’en
sortir. Il m’a suffi de regarder dans le rétroviseur, de voir d’où j’étais
partie quand je l’ai rencontré et de faire le ratio avec celle que je suis
devenue avec lui. Ça n’a pas été facile, ça ne l’a jamais été d’ailleurs!
Les autres peuvent imaginer, mais face à sa détresse, on est seule :
soit on se redresse, soit on sombre. J’ai trouvé les ressources en moi
pour me relever. J’ai dû me reconstruire, avoir une meilleure estime
de moi. Fini les pleurs et les angoisses, je méritais d’être traitée
comme une reine, je méritais les égards et le respect, mais plus que
tout, je méritais tout simplement de m’épanouir et d’être heureuse.
J’ai appris à me faire plaisir d’abord et à ne penser qu’à moi et à mon
enfant. Le célibat a ceci de salvateur, il aide à y voir un peu plus clair.
C’est sorti de là que j’ai su qu’il était un pervers narcissique : c’est le
nom qu’on leur donne, manipulateur et amateur de la dévalorisation
et des humiliations.
Le plus étrange est que je suis quelqu’un qui croit aux signes et
je pense fermement que la vie nous envoie des signaux que nous
refusons de voir, parce que dérangeants ou peu accommodants.
Seulement, pour cette histoire, dans cette histoire, je n’ai rien vu
venir. On est toujours prompte à juger les gens, à savoir comment
ils se doivent de réagir face à telle ou telle situation, mais entre la
pratique et la théorie, il y a toujours un fossé.
Anonyme
Si vous aussi avez envie de nous parler de votre expérience, ceci est
votre tribune. Vous n’êtes pas seule et votre histoire peut en aider
tant d’autres.
Emma_adjovi@yahoo.fr
